TOUPIDEK LIMONADE
Il y a des vies qui dévient
Numéro de référence au catalogue : IPS
0112.
Date de publication du vinyle 33 tours : janvier 2012.
Infiniment réel
Versailles. Le château. Le parc du château. Un Toupidek y promène
souvent sa limonade. Dans le parc, un bassin. Le bassin « du fer
à cheval ». Nommé ainsi en raison de sa forme. Et le Toupidek de
se dire : « Si je faisais une musique qui traduirait les contours
du bassin du fer à cheval ? ». « Cheval-faire ! » se poursuit-il
en lui-même. Et « lui-même » serait le sujet de cette musique. Entre
autobiographie et autobiosonie.
Observer le bassin. Son père y mettre. Tout naît de la vase, et
ensuite le potier y donne forme. L’auteur sans hauteur, à ras d’eau,
Narcisse éclaboussé. L’inspiration (ça ne se trouve pas sous le
pas d’un cheval), nécessite de s’élever : remonter les escaliers
en perspective pour une vue de haut. Le fer à cheval y déploie son
élégance. Il alterne des segments heurtés que séparent d’onctueuses
courbes. Inclination, volutes et voluptés. « Dieu est une pensée
qui courbe tout ce qui est droit » comme disait Nietzsche. En cas
de vie frontale trop dure, on efface son profil. On contourne ;
c’est une vie qui des vies.
Et puis toutes les mères vous le diront : on nait du bassin.
Ce disque retrace le son des tronçons. Comme une tranche de vie
découpée en lardons (lorsqu’on demande au petit vosgien s’il aime
mieux son père ou sa mère, il répondra : « j’aime mieux l’lard ! »).
En tant que Verbe fait chair, le lard est irrégulier ; très naturellement,
les tranches de vie qui inspirent les morceaux seront de durée variable ;
certaines périodes sont volontairement omises (descendu de cheval,
il allait le long des noisetiers).
Cette autobiosonie se lève tôt puisqu’elle commence dès la conception.
C’est par le même mouvement, inversé, que le Toupidek lance sa canne
à pêcher la vie non vécue : « l’avenir, c’est du passé en préparation »
comme disait Pierre Dac. Comme si la direction était plus importante
que l’acte de vieillir. Les angles du bassin mordent une vie
linéarisée, géo-maîtrisée. Mais l’âgé, au mètre, rit ; ça le garde
en forme de fer à cheval pour raconter. Il trottine, tantôt bourrin,
tantôt gracieux hippocampe. J’hennis sans bouillir, mijotant
cheval vapeur. Quand c’est parti, c’est parti. « Phoque jeunesse
se passe » comme disait Tagubu. « Tu souffles, et elle s’envole »
lui répondait en stéréo Kwetapp Ieu.
Et on épouse le contour. Une fille nait dans les roses. Les scènes
de décennies se suivent, s’assemblent sans se ressembler. Et puis
le décès nie les décennies. Mais pour qui sonne le bris de glace
lorsque le bassin est gelé ? Comme disait Joachim du Bellay, un
cavalier qui surgit dans la nuit :
« Passent les années, sonne l’heure,
Les jours s’en vont, je demeure ».
La discographie de Toupidek
Limonade
Pochette / poster originaux de Jean-Pierre NADAU
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